Le temple et l’enquête

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INTRODUCTION

Les chapitres suivants de Matthieu 24-25 constituent l’une des vues d’ensemble les plus complètes des évangiles sur l’identification de la venue de Jésus. Le discours du Mont des Oliviers traite des perspectives eschatologiques du point de vue direct de notre Seigneur Jésus. Beaucoup ont interprété les écritures suivantes comme ayant pour point principal la seconde venue à la fin de l’histoire, tandis que d’autres y voient un mélange de la destruction de Jérusalem en l’an 70 et de la seconde venue. Cela dit, la majorité des interprètes d’aujourd’hui interprètent traditionnellement ces textes dans notre avenir, tout en reconnaissant que certains pourraient se rapporter à la destruction du temple, mais seulement de façon minimale. Dans cette étude, j’explorerai l’idée que le discours s’accomplit en l’an 70 (Matthieu 24:4-35) tandis que la dernière partie s’accomplira lors de la seconde venue (verset 36 et suivants).

LA TOMBÉ DES PIERRES DU TEMPLE (Matthieu 24:1-2/ Marc 13:1-2/ Luc 21:5-6)

Commençons par les deux premiers versets du chapitre 24 :

Comme Jésus s’en allait, au sortir du temple, ses disciples s’approchèrent pour lui en faire remarquer les constructions. Mais il leur dit: Voyez-vous tout cela? Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée. (Matthieu 24 :1-2)

Après la fin de sa rencontre avec les chefs religieux, le Seigneur Jésus « sortait » et « s’en allait » du temple. Son entrée était un message aux habitants de Jérusalem. Le Messie qu’ils attendaient depuis longtemps était arrivé, mais maintenant il s’en allait.  Son exode du temple indique qu’il a été rejeté par ceux qui refusaient de l’avoir comme Messie. Leur maison était laissée à l’abandon ! La présence de Dieu en la personne du Fils a quitté le temple et, en retour, le jugement s’abattra sur les structures de la grande ville, de la même manière que la gloire de Yahvé quitta le temple dans les temps anciens et se tint au-dessus de la montagne qui est à l’est (Ezéchiel 10:18-19 ; 11:22-23).

Les disciples admirent de loin les pierres et les bâtiments (Marc 13:1). Sa beauté et sa grandeur étaient remarquables à l’œil humain. C’était le lieu où les hommes venaient adorer le vrai Dieu. Sa présence habitait à l’intérieur de ces murs pendant des siècles et c’était un signe de la légitimité d’être le peuple de l’alliance. La structure était une merveille du monde. Josèphe la décrit ainsi :

La face extérieure du temple ne présentait rien qui pût surprendre l’esprit ou les yeux des hommes, car elle était entièrement recouverte de plaques d’or d’un grand poids qui, au premier lever du soleil, renvoyaient une splendeur très ardente et obligeaient ceux qui se forçaient à la regarder à détourner les yeux, comme ils l’auraient fait pour les rayons du soleil lui-même. Mais ce temple apparaissait aux étrangers qui s’en approchaient de loin comme une montagne couverte de neige, car les parties qui n’étaient pas dorées étaient d’une blancheur extrême[1].

Le Seigneur Jésus fait ensuite une prédiction choquante. Il déclare que « il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée ». Il s’agit sans aucun doute d’une déclaration perplexe, si l’on tient compte de la force et de la beauté du temple, ainsi que de leur compréhension de la présence de Yahvé[2]. Les pierres étaient incroyablement grandes et la structure aurait semblé impénétrable. Penser que toutes ces pierres seraient démolies et que la ville et ses constructions seraient détruites était tout simplement inimaginable.  Pourtant, le fait historique de sa disparition est incontestable. Les armées romaines sous le commandement du général Titus ont détruit le temple d’Hérode en l’an 70 et l’ont profané à tel point qu’il ne reste aujourd’hui que peu de choses des structures. Josèphe écrit à propos de cet événement :

Dès que l’armée n’eut plus de gens à tuer ou à piller, parce qu’il n’en restait plus aucun qui pût être l’objet de sa fureur (car elle n’en aurait épargné aucun, s’il lui était resté quelque autre travail à faire), César donna l’ordre de démolir toute la ville et le temple. César donna l’ordre de démolir toute la ville et le temple, mais de laisser debout le plus grand nombre possible de tours, c’est-à-dire Phasaël, Hippique et Mariamne, ainsi qu’une partie du mur qui entourait la ville du côté de l’ouest. Cette muraille fut épargnée, afin de servir de camp à ceux qui devaient tenir garnison ; les tours furent également épargnées, afin de montrer à la postérité quelle était cette ville, si bien fortifiée, que la vaillance romaine avait vaincue. Quant au reste de la muraille, elle fut si bien enfoncée dans le sol par ceux qui la creusaient jusqu’aux fondements, qu’il n’en resta rien qui pût faire croire à ceux qui y venaient qu’elle avait jamais été habitée. Telle fut la fin de Jérusalem, par suite de la folie de ceux qui étaient partisans des innovations. Cette ville, par ailleurs d’une grande magnificence et d’une grande renommée dans le monde entier[3].

Non seulement la destruction du temple serait une travestie, mais la chute du temple signifiait aussi la cessation de la centralité du culte et de la vie juifs. Cela signifiait que les sacrifices ne pouvaient plus être offerts et que la présence de Dieu quittait le temple et sa ville. C’était une véritable dévastation pour tout leur mode de vie ! Quel choc a dû être la réception de cette annonce ! Le message était cependant suffisamment clair pour que les disciples du Christ prêchent également aux foules un message similaire de jugement à venir, qui est devenu l’une des principales accusations pour les condamner à mort (Actes 6:13-14).

LES QUESTIONS DES DISCIPLES (Matthieu 24:3/ Marc 13:3-4/ Luc 21:7)

Assis sur le mont des Oliviers, les disciples viennent interroger Jésus sur sa déclaration troublante[4]. Ils lui demandent : « Dis-nous, quand ces choses arriveront-elles, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ? » Le contexte de leur question provient des commentaires précédents de Jésus concernant le temple et sa désolation. Il est important de se rappeler que le temple auquel ils font référence n’est pas un temple futur, mais le temple qui se trouve sous leurs yeux ce jour-là. Cette interrogation s’inscrit dans deux catégories, principalement « quand » ces choses arriveront-elles et « quel » sera le signe de sa venue et de la fin de l’âge. Ils cherchent un moment et un indicateur qu’il est en route. Dans l’évangile de Marc, la dernière partie de la question se concentre sur le moment où « ces choses » se produiront plutôt que sur la venue à la fin de l’âge, tandis que l’interprétation de Luc est plus conforme à celle de Matthieu. En gardant à l’esprit le contexte précédent (Matthieu 21-23), nous savons qu’un jugement a été prononcé à l’encontre des chefs religieux. C’est sur eux que retomberait la culpabilité de tout le sang juste versé sur la terre, depuis le sang du juste Abel jusqu’au sang de Zacharie, fils de Béréchia. Nous savons aussi que quelque chose se prépare sous la forme d’un jugement contre le temple et la ville. C’est leur maison qui sera laissée à l’abandon et le Christ se lamente sur « Jérusalem ». Les disciples sont manifestement surpris par ces déclarations (Marc 13:1), ce qui les incite à poser deux questions pour clarifier le calendrier de la désolation de la maison et les signes de la fin des temps. Si ce symbole de leur vie religieuse allait vraiment être détruit, il fallait que ce soit la fin de l’ère et qu’elle s’accompagne de signes et de prodiges !

La compréhension de ces deux questions et de la manière dont le Seigneur y répond est cruciale pour l’ensemble du discours. De nombreux théologiens s’accordent à dire que la réponse se concentre à la fois sur la destruction à venir de Jérusalem et sur la seconde venue du Christ. Cependant, certains considèrent que le discours s’est accompli exclusivement en 70 après Jésus-Christ[5], tandis que d’autres le voient s’accomplir entièrement lors de la seconde venue du Christ[6].  Le problème est de savoir comment diviser Matthieu 24 jusqu’à Matthieu 25:46 sur la base des questions posées par les disciples. Quels sont les textes qui se réfèrent à la réponse à la question de savoir quand et quels sont ceux qui se réfèrent à la question de savoir quoi ? Bien qu’elle ne soit pas parfaite, je pense que la meilleure façon de diviser le discours est de laisser 24:3-35 parler de la venue du Christ pour juger le temple qu’il a abandonné dans les chapitres 21-23, tout en laissant 24:36 et suivants parler de la seconde venue du Christ. Il semble y avoir une transition au v. 36 que nous aborderons dans une section ultérieure.

Assis sur le mont des Oliviers, le Seigneur et les disciples auraient eu une vue panoramique du temple et de ses nombreux bâtiments. Le paysage, ainsi que le terme « ces choses », qui identifie les choses dont il a été question précédemment, rendent incontestable l’interrogation sur la destruction du temple. Matthieu introduit le terme grec « parousie » (ou venue) pour indiquer que la réponse de Jésus n’était pas centrée uniquement sur le temple, mais sur son retour à la fin de l’histoire. Nous devons garder à l’esprit qu’il existe deux termes distincts qui s’associent au terme traduit par « venue »[7]. Mais qu’est-ce qui a poussé les disciples à s’interroger sur sa parousie en se basant sur les textes précédents ? N.T. France estime que « peut-être pouvons-nous supposer un sens indéfini selon lequel un événement aussi cataclysmique que la destruction du temple doit inaugurer la fin de l’ordre mondial actuel »[8]. En d’autres termes, les disciples ne pouvaient envisager la destruction du temple sans la fin ultime de l’histoire par le retour de leur roi messianique. Ils ont confondu la destruction du temple avec la seconde venue du Christ et, en retour, avec la fin du monde[9]. Le Seigneur corrige l’hypothèse des disciples puisqu’il y aura une venue en jugement contre le temple et une venue physique en jugement contre les nations lors de la seconde venue. Les mots « fin de l’âge » sont difficiles à comprendre. A quel âge le Seigneur fait-il référence ? Bien qu’il y ait diverses opinions sur cet âge qui prendra fin, je l’interpréterai en association avec la parousie dans un avenir lointain[10].

Une autre observation importante est que le terme « fin » (sunteleia) est utilisé dans la réponse de Jésus alors que dans le reste du discours, le terme “Telos” est utilisé pour « fin »[11]. Une fois encore, tout comme le terme « venue » a deux mots distincts dans le discours, il en va de même pour le terme « fin ». Il est important de distinguer ces termes pour interpréter les passages suivants. Nous les aborderons au fur et à mesure que nous avancerons dans le chapitre. La réponse à la question de la fin des temps est probablement corrective, pour montrer que la destruction du temple n’était pas nécessairement la fin de l’histoire. L’expression se retrouve ailleurs dans Matthieu (Matthieu 13:39) et véhicule l’idée d’un jugement à la fin de l’histoire humaine, lorsque la moisson finale aura lieu et que l’ivraie sera rassemblée pour le jugement final.

Dans la prochaine partie, nous examinerons les avertissements adressés aux disciples pour qu’ils ne se laissent pas tromper par les hommes et les signes de leur temps.


[1] Flavius Josephus, Jewish Wars, 5:222-223

[2] Notez les similitudes avec la destruction du temple de Salomon dans 1 Rois 9:6-9 ; Michée 3:12 ; Jérémie 7:11-14, 26:1-23 qui s’est également produite en 586 av.

[3] Flavius Josephus, Jewish Wars, Book VII, Chapter 1.1

[4] Dans la version de Marc, Pierre, Jacques, Jean et André lui posent la question.

[5] Les hyper-prétéristes considèrent que l’ensemble du discours et même la seconde venue du Christ ont été accomplis au 1er siècle.

[6] Les dispensationalistes classiques ne croient pas que Matthieu traite du premier temple, mais que l’ensemble du discours porte sur la seconde venue et un temple futur. Ils pensent que la version de Luc traite en fait du temple du 1er siècle, alors que Matthieu l’ignore.

[7] Le terme Parousie et l’autre Erchomai. Nous noterons la différence entre le “signe de ton avènement (Parousie) et le signe du Fils de l’homme dans son avènement (erchomai) au v.30.

[8] France P. 895

[9] La confusion des disciples n’était pas un problème rare. Ils étaient souvent déconcertés par les paroles du Seigneur, que ce soit sur le fait qu’il allait mourir ou sur sa résurrection.

[10] Il convient de noter que tous les commentateurs ne sont pas d’accord pour dire que la fin de l’âge fait référence à la fin de l’histoire. De nombreux spécialistes de la Bible interprètent l’expression comme la fin de l’ère juive. Cette interprétation associe la destruction du temple à la fin de l’ère de l’Ancien Testament et des sacrifices du temple. L’argument est que jusqu’en l’an 70, l’Ancient Testament était simplement en train de disparaître (Hébreux 8:13) jusqu’à son apogée avec la destruction du temple et de la ville.

[11] Gentry souligne que Matthieu n’utilise sunteleia qu’en relation avec la fin du monde, comme dans Matthieu 13:39, 40, 49 ; 24:3, 28:20. Il souligne que “malgré les idées reçues, le mot telos ne désigne pas nécessairement la fin de l’histoire. En fait, son sens lexical met en évidence le but vers lequel un mouvement est dirigé, la fin, le but, le résultat” (BADG 998). C’est-à-dire qu’il parle de la conclusion d’un mouvement particulier, et pas seulement de la fin du développement historique… Matthieu semble distinguer sunteleia de telos en réservant sunteleia comme terme distinctif pour la fin eschatologique, le but de l’histoire”. (The Olivet Discourse Made Easy, Kenneth L. Gentry, Victorious Hope Publishing, 2010, pages 47-48)


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